A la vie, à la mort / De vida y de muerte

A Varanasi, le nouveau nom de Bénarès, la vie coule le long du Gange. Sur plus d’un kilomètre, la ville s’étire vers le fleuve sacré le long des ghats, ces marches ou plateformes permettant à chacun des mortels de s’approcher de l’eau, de communier avec elle.
Car ce fleuve est bien plus qu’un simple cours d’eau. Pour les indouhistes, c’est une représentation de l’existence, de la naissance jusqu’à la rédemption ultime, le nirvana. En quelques mètres, les images se multiplient, s’entrechoquent, se répondent. Ici, un mendiant estropié qui quémande quelques roupies. Là, un yogi en position de méditation, les yeux perdus dans la fumée du maigre réchaud à bois qui lui tient chaud. Un peu plus loin, un groupe de collégiennes qui joue au badminton. Juste à côté, quelques lavandières déposent à même le sol les draps des hôtels tout proches qu’elles viennent de laver dans l’eau pas si claire que ça. En avançant encore un peu, on découvre un futur marié et sa promise qui défilent accompagnés de musiciens. Ou encore un groupe de jeunes qui plongent dans l’eau en riant. Et puis le regard se pose enfin sur les bûchers qui, aux deux extrémités des ghats, offrent un ultime voyage à ceux qui avaient décidé de se faire incinérer dans la ville sainte.
Car mourir – ou plutôt devenir cendres- à Varanasi est l’absolu auquel prétend tout indouhiste. C’est la certitude d’en finir avec le cycle sans fin de réincarnations, pour voir enfin son âme libérée. Un privilège pour lesquels certains, même s’ils n’en ont pas les moyens, sont prêts à franchir des milliers de kilomètres pour arriver dans la ville, quitte à être hébergé dans des mouroirs en attendant leur dernier souffle. Et il faudra encore payer le bois qui consumera son corps. Un petit calcul très terre à terre : soixante kilos sont nécessaire pour une corpulence moyenne, à raison de 750 roupies le kilo. Soit 45000 roupies ou plus de 550 euros.
Pas moins de 300 incinérations sont réalisées quotidiennement au ghat Manikarnika, qui officie 24 heures sur 24. Le cérémonial débute par la plongée du corps dans le Gange, avant la dépose sur le lit funéraire. Après les prières et les cinq tours du bûcher (représentant les cinq éléments de l’Indouhisme) réalisés par la famille, le foyer est allumé à l’aide d’une flamme qui brûle soigneusement entretenue dans le temple tout proche depuis la naissance de la ville, voici 3000 ans. En moins de trois heures, la crémation se termine et les rares os subsistants (le thorax pour l’homme, le bassin pour la femme) sont jetés au Gange. Tandis qu’une poignée d’homme tamisent les cendres dans l’eau pour récupérer les restes de bijoux en or et en argent qui ont été laissés sur les dépouilles. Ces métaux précieux permettront de financer -par exemple en aliments- les mouroirs.
A Varanasi, l’eau et le feu se mêlent intimement, sous le regard des vaches sacrées, étonnamment omniprésentes juste à côté des bûchers. Des animaux quasiment immobiles, à quelques centimètres des flammes, lançant une image de sérénité et de paix intérieure. Peut-être constituent-elles la véritable âme de ces ghats dans lesquels se lient pour toujours la vie et la mort.

En Varanasi, el nuevo nombre de Benares, la vida fluye a lo largo del Ganges. Durante más de un kilómetro, la ciudad se extiende hacia el río sagrado a lo largo de los ghats, escalones o plataformas que permiten que cada mortal se acerque al agua para comunicarse con el Ganga.
Porque este río es más que un río de agua. Para el pueblo hindú, es una representación de la existencia, desde el nacimiento hasta la redención final, el nirvana. En unos pocos metros, las imágenes se multiplican, chocan, se sobreponen. Aquí, un mendigo lisiado que pide unas rupias. Allí, un yogui en posición meditativa, con los ojos perdidos en el humo de la exigua estufa que lo mantiene caliente. Un poco más lejos, un grupo de chicas universitarias que juegan a bádminton. Al lado, algunas lavanderas colocan en el suelo las sábanas de los hoteles cercanos que acaban de lavar en el agua, no tan clara como crees. Avanzando un poco más, descubrimos a un novio y su novia que desfilan acompañados de músicos. O un grupo de jóvenes que se zambullen en el agua riendo. Y luego, finalmente, surge la mirada en las piras que, en los dos extremos de los ghats, ofrecen un viaje final a aquellos que habían decidido ser quemados en la ciudad santa.
Porque morir, o más bien convertirse en cenizas, en Varanasi es el absoluto al que todo hinduísta aspira. Es la certeza de terminar el ciclo interminable de reencarnaciones, para ver finalmente su alma liberada. Un privilegio por el que algunos, aún sin recursos económicos, están dispuestos a cruzar miles de kilómetros para llegar a la ciudad, incluso alojándose en albergues para moribundos mientras esperan su último aliento. Y conseguir pagar la madera que consumirá su cuerpo; un pequeño y práctico cálculo: se necesitan sesenta kilos para un cuerpo de tamaño estándard, a 750 rupias por kilogramo. 45000 rupias más o menos uno 550 euros.
No menos de 300 cremaciones se realizan diariamente en el ghat de Manikarnika, que funciona las 24 horas del día. La ceremonia comienza con la inmersión del cuerpo en el Ganges, antes de depositarse en la cama funeraria. Después de las oraciones y cinco vueltas a la pira (que representan los cinco elementos del hinduismo) hechas por un familiar, la pira se ilumina con la llama que se quema cuidadosamente en el templo cercano construido al crearse la ciudad, hace 3000 años. En menos de tres horas, la cremación termina y los pocos huesos que sobreviven (el tórax para el hombre, la pelvis para la mujer) se lanzan al Ganges. Mientras, un puñado de hombres tamiza las cenizas en el agua para recuperar los restos de joyas de oro y plata que quedaron en los restos. Estos metales preciosos financiarán, por ejemplo, los alimentos y leña de los moribundos sin recursos.
En Varanasi, el agua y el fuego se mezclan íntimamente, bajo la atenta mirada de las vacas sagradas, increíblemente omnipresentes justo al lado de las piras. Animales casi inmóviles, a pocos centímetros de las llamas, lanzando una imagen de serenidad y paz interior. Quizás constituyen el verdadero alma de aquellos ghats en los que la vida y la muerte están vinculadas para siempre.