Cadeau empoisonné pour Sopjam / El regalo envenenado para Sopjam

Lorsque l’on remonte la rivière Nam Ou, un des affluents du Mékong au nord du Laos, on découvre depuis le bateau une série de petits villages. Sopjam fait partie de ceux-ci. Un bourg de 200 âmes un peu au-delà des circuits touristiques, qui réussit quand même à attirer quelques rares occidentaux par la réputation de ses tissus en coton ou en soie fabriqués de la manière la plus traditionnelle qui soit, sur des métiers manuels disposés devant chacune des maisons sagement alignées le long de la rue centrale, comme celle de Wan, une jeune grand-mère de 46 ans.
Le bourg est tellement petit qu’il ne figure même pas sur les cartes, d’autant plus que la seule manière de le rejoindre est la navigation sur le Nam Ou. Est, ou plutôt était. Car, depuis l’an dernier, une véritable révolution a secoué la vie du paisible village : une route a enfin été construite. Enfin, pas vraiment une route, mais une piste carrossable, qui permet désormais de rejoindre le bourg le plus proche, à grosse vingtaine de kilomètres, de jour comme de nuit, dans des conditions bien plus sûres que celles offertes par la rivière, parfois tumultueuse.
Cette route, en plus, c’est un cadeau. « Ce sont les Chinois qui l’on offerte », confirme Doo, un guide local du village voisin. « Ils l’ont entièrement construite en quelques mois à peine. » Un cadeau intéressé, forcément, car le géant énergétique Power China avait besoin d’une matière première omniprésente à Sopjam : du sable. Indispensable pour construire un nouveau barrage hydro-électrique, à cinq kilomètres en amont du village.
« Du donnant-donnant », se souvient Doo. « Ils construisent la route dont ils ont besoin pour venir prélever le sable qu’on leur offre et cette route, le village la conservera lorsqu’ils n’en auront plus besoin. »
En plus de la route, les Chinois ajoutent, pour faire bonne figure, un bien inconnu jusqu’alors dans le village : l’électricité. « Pour nous, c’était vraiment une nouveauté », confirme Wan. Electricité signifie enfin conservation des aliments, communications plus simple grâce aux téléphones rechargés sans peine. Ou arrivée en masse de la télévision, comme l’indiquent les paraboles toutes neuves posées à la va-vite sur la façade des maisons de bois.
« Ils nous ont dit que c’était gratuit, alors, forcément, on n’allait pas dire non », reconnait Wan avec un ton dans lequel se mêlent naïveté et rancœur. Car la bonne nouvelle aura été de courte durée. L’installation des câbles s’est accompagnée de celle des compteurs. Très rapidement, la première facture a été distribuée. Une vraie douche froide. « Ces gens-là avaient à peine de quoi vivre », soupire Doo. « Maintenant, ils doivent en plus payer des factures sur lesquelles ils ne comptaient vraiment pas. » Difficile aussi de renoncer désormais à ce confort essentiel, par exemple dans une maison comme celle de Wan qui héberge quatre générations.
Aujourd’hui, la route a été terminée et le ballet des camions chargés à bloc de sable est incessant. Le barrage devrait être terminé d’ici à la fin de l’année, selon Doo. Et l’électricité produite sera distribuée dans la région… si elle n’est pas acheminée directement dans les provinces chinoises les plus proches situées à une soixantaine de kilomètres à vol d’oiseau.
Mais le pire pourrait arriver bien après, dans cinq ou dix ans. Woo connaît bien la rivière et ses caprices, surtout en saison des pluies. « Le barrage devrait réguler un peu plus le débit », note-t-il, « mais l’eau peut monter très haut et très vite en été. Depuis des mois, les Chinois récupèrent le sable qu’ils trouvent sur les méandres aux alentours de Sopjam. J’ai bien peur que la physionomie du cours d’eau en soit rapidement transformée. Le village était jusqu’à présent protégé par ces masses de sable qui disparaissent aujourd’hui petit à petit. Dans quelques années, quelques courants plus forts et l’érosion risquent d’emporter tout le terrain sur lequel est installé le village. » Le cadeau qui paraissait merveilleux. Il pourrait s’achever de la pire des manières.

Mientras subimos por el río Nam Ou, uno de los afluentes del río Mekong al norte de Laos, descubrimos desde el barco una serie de pequeños pueblos. Sopjam es uno de ellos. Un pueblo de 200 almas un poco más allá de los circuitos turísticos, que, sin embargo, logra atraer a algunos occidentales por la reputación de sus tejidos en algodón o seda hechos de la manera más tradicional. Delante de cada una de las casas preside un telar que está sabiamente alineado a lo largo de la calle central con los de los vecinos, como la de Wan, una abuela de 46 años.
El pueblo es tan pequeño que ni siquiera aparece en los mapas, especialmente porque la única forma de alcanzarlo es navegando por el Nam Ou. Es, o más bien fue. Desde el año pasado, una verdadera revolución ha sacudido la vida de la aldea pacífica: finalmente se ha construido una carretera. Sin embargo, no es realmente una carretera, sino un camino de tierra, que ahora permite llegar a la ciudad más cercana, unos veinte kilómetros, día y noche, en condiciones mucho más seguras que las que ofrece el río, a veces tumultuosas. .
Este camino, además, es un regalo. « Son los chinos los que han ofrecido este genoroso presente », dice Doo, un guía local del pueblo cercano. « Lo construyeron completamente en unos pocos meses ». Un regalo interesado, necesariamente, porque el gigante energético Power China necesitaba una materia prima ubicada en Sopjam: la arena. Esencial para construir una nueva presa hidroeléctrica, cinco kilómetros río arriba del pueblo.
« Dar y recibir », recuerda Doo. « Están construyendo el camino que necesitan para llevarse la arena que se les da y ese camino, el pueblo lo mantendrá cuando ya no lo necesiten ».
Además de la carretera, los chinos han añadido, mostrando su generosidad, un recurso hasta ahora desconocido en el pueblo: la electricidad. « Para nosotros fue realmente una novedad », dice Wan. La electricidad significa finalmente la conservación de alimentos, comunicaciones más simples gracias a los teléfonos que se recargan con facilidad. O la llegada masiva de la televisión, como indican las nuevas parabólicas colocadas a toda prisa en la fachada de las casas de madera.
« Nos dijeron que era gratis, así que, por supuesto, no íbamos a decir que no », reconoce Wan con un tono de ingenuidad y resentimiento. Porque las buenas noticias han durado poco tiempo. La instalación de los cables vino acompañada por la de los contadores. Muy rápidamente, llegó la primera factura. Una verdadera ducha fría. « Estas personas apenas tenían suficiente para vivir », suspira Doo. « Ahora tienen que pagar facturas adicionales que realmente no esperaban ». Además es difícil renunciar a este confort esencial ahora, por ejemplo, en una casa como la de Wan, que alberga a cuatro generaciones.
Hoy, el camino se ha completado y el baile de camiones cargados con toneladas de arena es incesante. La presa debería estar terminada para fin de año, según Doo. Y la electricidad producida se distribuirá en la región … si no se envía directamente a las provincias chinas más cercanas ubicadas a unos sesenta kilómetros en línea recta.
Pero lo peor podría pasar después, en cinco o diez años. Woo conoce el río y sus caprichos, especialmente durante la temporada de lluvias. « La presa debería regular el flujo un poco más », señala, « pero el agua puede subir muy alto y muy rápidamente en los meses de verano, y los chinos han estado llevándose la arena que encuentran en los meandros. En Sopjam, temo que la fisonomía del curso del agua se transforme rápidamente, el pueblo estaba hasta ahora protegido por estas masas de arena que desaparecen hoy poco a poco. En unos pocos años, algunas corrientes. las más fuertes y la erosión corren el riesgo de barrer toda la tierra en la que se encuentra el pueblo « . El regalo que parecía maravilloso, podría terminar de la peor de las maneras.