L’entrée de la gargotte ne paye pas de mine. Il faut dire que la petite rue qui y mène, parallèle à la plage, est loin d’être aussi animée que celle longeant le littoral. Lorsque l’on pénètre dans le restaurant par ce qui aurait du être la porte, on découvre les quatre murs en bois et palmier, un toit en Everite et un cadre représentant Bouddha agrémenté d’une ribambelle de lumières LED qui changent de couleur de manière aléatoire. Six tables en bois attendent les clients et juste derrière trône Hema, le maître des lieux. La soixantaine tout juste atteinte, l’homme se tient droit et bouge sans cesse. Il se précipite vers vous en arborant son plus beau sourire et vous tend un menu qui n’est plus de la première jeunesse.
Hema recommande le poisson grillé tout droit venu de l’Indien tout proche. Il achète ses produits chaque matin aux pêcheurs du village, tout juste les embarcations rentrées au petit port, à 500 mètres de là. Des pêcheurs qui comme lui, connaissent cet océan si particulier. Si généreux lorsqu’il s’agit de donner thons et autres lieux jaune. Si cruel lorsqu’il s’agit de marquer à tout jamais l’histoire de toute une planète.
Car l’histoire d’Hema est intimement lié à ce 26 décembre 2004. L’homme tenait à cette époque un autre restaurant, juste devant la plage de Tangalle. Une table réputée, le bouche à oreille et les guides touristiques vantaient alors ses qualités de cuisinier et il n’était pas rare de devoir patienter longuement avant d’avoir une table.
Ce matin-là, Hema était dans son restaurant, préparant les ingrédients pour les recettes dont il a le secret. Sa femme était à ses côtés, tout comme sa fille, qui avait une grosse dizaine d’années à l’époque.
Une matinée comme toutes les autres jusqu’à ce que la mer montre des signes d’une étonnante rareté. Un premier repli de l’eau, comme une marée descendante. Et puis une première vague hors du commune qui submerge le restaurant, pourtant d’ordinaire inatteignable par l’eau. « On avait de l’eau jusqu’aux genoux », se souvient Hema. « Une deuxième vague de la même hauteur est arrivée. On ne comprenait vraiment pas ce qui se passait, jusqu’à ce que l’on voit, quelques instants plus tard, ce qui venait vers nous. »
« On s’est mis à courrir, il n’y avait rien d’autre à faire. Enfin, en tout cas ceux qui le pouvait. » Le visage se ferme. Hema a raconté cette histoire des dizaines, des centaines de fois. Mais la voix tremble quand il évoque sa mère qui, parmi tant d’autres, n’a pas pu fuir. « Ma femme me disait qu’il fallait prendre de l’argent, au cas où. Je l’ai attrapée par le bras, et on est partis, avec elle et ma fille. » Ils n’iront pas loin. Le tsunami les rattrape vite et les emporte dans son tourbillon dévastateur.
Le cauchemar dure de longues secondes, d’interminables minutes. L’eau dévaste tout sur son passage. Hema parvient par miracle à s’en sortir, ainsi que sa fille qui sera grièvement blessée, de l’eau et du sable ayant pénétré dans ses poumons. La ville comptera rapidement ses morts : 134 en tout. Hema aura perdu dans ces quelques instants sa mère, sa sœur, son frère et sa belle-sœur.
Après la vague vient la désolation, les pleurs, les angoisses incessantes, les blessures physiques à guérir, les psychologiques à tenter de réparer, lorsque c’est possible. Hema, quelques mois seulement après le drame, ouvre son nouveau restaurant et à la fin mars 2005, les premiers touristes revenus dans ce qui était encore un champs de ruines noircissent les premières pages du livre d’or. « Mais c’était trop tôt, trop précipité », avoue-t-il. Sa fille ne parvient pas à se relever du choc. Les semaines à l’hôpital ont été presque douces au regard du choc traumatique qu’elle a vécu. « J’ai fermé le restaurant pour elle. Il fallait qu’elle tienne le coup. » Et tout le reste de la famille aussi, sans aucun doute.
Quinze année ont passé. La fille d’Hema est juste à côté de lui, dans le restaurant. Son ventre rond ne laisse pas place au doute : « j’ai rendez-vous à l’hôpital demain matin, pour savoir si c’est une fille ou un garçon », lance-t-elle dans un sourire. Attendrie, son père la regarde avec émotion. Son épouse arrive juste à côté de lui. C’est elle désormais qui a pris place dans la cuisine. « Je lui ai appris toutes les recettes depuis l’ouverture de notre nouveau restaurant, il y a deux ans », souffle-t-il. « Elle se débrouille plutôt bien ! », ajoute-t-il en désignant le poisson grillé tout juste arrivé sur la table. Un plat qui, sans même l’avoir encore goûté, aura inévitablement une toute autre saveur.
Maheshee Home restaurant, No 18/1 New Lane | Madakatiya, Tangalle 82200, Sri Lanka
De entrada el chiringuito no luce. Hay que decir que la pequeña calle que conduce al restaurante, paralela a la playa, está lejos de ser tan animada como la de la costa. Al entrar al restaurante por la que debería haber sido la puerta, descubrimos las cuatro paredes de madera y palma, un techo Everite y un marco que representa a Buda adornado con una cadena de luces LED que cambian de color al azar. Seis mesas de madera esperan a los clientes y, justo detrás del trono, Hema, el dueño del lugar. A sus sesenta años acabados de cumplir, el hombre se endereza y se mueve constantemente. Se apresura hacia ti con su sonrisa más bella y te ofrece un menú que ya no es de su primera juventud.
Hema recomienda el pescado a la parrilla directamente del Indico cercano. Él compra su producto todas las mañanas a los pescadores del pueblo, cuando los barcos regresan al pequeño puerto, a 500 metros de distancia. Los pescadores como él, conocen este particular océano. Tan generoso cuando se trata de dar atún y otros pescados. Tan cruel cuando se trata de marcar para siempre la historia de un planeta entero.
Porque la historia de Hema está íntimamente relacionada con el 26 de diciembre de 2004. El hombre tenía en ese momento otro restaurante, justo en frente de la playa de Tangalle. Unas mesas de buena reputación, transmitida de boca a oreja entre los foodies y guías turísticos elogiando sus cualidades como cocinero en la que no era raro tener que esperar antes de conseguir una mesa.
Esa mañana, Hema estaba en su restaurante, preparando los ingredientes para sus recetas secretas. Su esposa estaba a su lado, al igual que su hija, que tenía unos diez años en ese momento.
Una mañana como todas las demás hasta que el mar muestra signos de una rareza asombrosa. Una primera retirada del agua, como una marea baja. Y luego una primera ola que toca la ciudad y que sumerge el restaurante, aunque sin anegarlos de agua. « Teníamos agua hasta las rodillas », recuerda Hema. « Llegó una segunda ola de la misma altura. No entendimos realmente lo que estaba pasando hasta que vimos, unos momentos después, lo que venía hacia nosotros ».
« Comenzamos a correr, no había nada más que puediéramos hacer ». La expresión de su cara se encoge. Hema ha contado esta historia docenas, cientos de veces. Pero su voz tiembla cuando menciona a su madre (o sus hermanos y hermanas) que, entre tantos otros, no pudieron escapar. « Mi esposa me dijo que debía tomar dinero, por si acaso, la agarré del brazo y sin hacerle caso nos fuimos con ella y mi hija ». No llegan lejos. El tsunami los atrapa rápidamente y los lleva a su devastador torbellino.
La pesadilla dura largos segundos, minutos interminables. El agua arrasa todo a su paso. Hema milagrosamente logra escapar, al igual que su hija, quien resultará gravemente herida, con agua y arena entrando en sus pulmones. La ciudad contará rápidamente sus muertos: 134 en total. Hema habrá perdido en estos momentos a su madre, a su hermana, a su hermano y a su cuñada.
Después de la ola viene la desolación, las lágrimas, las ansiedades incesantes, las heridas físicas para sanar, las psicológicas para tratar de reparar, cuando sea posible. Hema, solo unos meses después de la tragedia, abre su nuevo restaurante y, a finales de marzo de 2005, los primeros turistas regresan a lo que todavía era un campo de ruinas ennegreciendo las primeras páginas del libro de visitas. « Pero fue demasiado pronto, demasiado apresurado », admite. Su hija no puede recuperarse de la conmoción. Las semanas en el hospital fueron casi leves teniendo en cuenta el bloqueo traumático que experimentó. « Cerré el restaurante, ella no conseguía superarlo ». Y todo el resto de la familia tampoco, sin duda.
Han pasado quinze años. La hija de Hema está junto a él, en el restaurante. Su vientre redondo no deja lugar a dudas: « Tengo una cita en el hospital mañana por la mañana, para averiguar si es una niña o un niño », dice con una sonrisa. Esperando, su padre la mira con emoción. Su esposa viene justo a su lado. Ella es ahora la que ocupa su lugar en la cocina. « Le enseñé todas las recetas desde que abrí nuestro nuevo restaurante hace dos años », dice. « ¡Lo está haciendo bastante bien! », agrega, señalando el pescado a la parrilla que acaba de llegar a la mesa. Un plato que, sin siquiera haberlo probado, tendrá inevitablemente un sabor diferente.
Maheshee Home restaurant, No 18/1 New Lane | Madakatiya, Tangalle 82200, Sri Lanka
Emotiva historia, y qué bien relatada. Gracias por compartir tanto chicos.
Besos!
Gracias para leer, que el texto era bastante largo!
Y muy de compartir😜😜😜
Ya sabes que somos muy buenos chicos y muy de compartir😜😜
Qué bonita historia! Cuanta gente valiente y con espíritu de superación hay por el mundo.Y que pinta el pescado! Besos
Merci Laurent et José d’avoir partagė ce périple srilankais avec nous !!!
Nous avons passé des moments extraordinaires ensemble et garderons des
souvenirs magnifiques. 😚
Franziska et Jean-Henri
Franziska muchísimas gracias a vosotros por la valentía de querer compartir un viaje por primera vez con nosotros. Ha sido muy importante conocernos más en estos días tan intensos y llenos de actividad. Gracias por venir y esperamos volver a repetir con vosotros. Besos Jean Henri