Revenues de l’enfer / Regreso del infierno

Il y a déjà plus d’un an, lorsque nous imaginions l’itinéraire de ce tour du monde, notre but était bien sûr de découvrir des pays merveilleux, de passer des moments incroyables, mais aussi de vivre des rencontres hors du commun. Et cette après-midi de la fin janvier, à Agra, restera sans aucun doute l’un des moments les plus forts de ce périple mondial. Et ce grâce à Lupa et les autres femmes autour d’elles.
En poussant la porte de Sheroes, on bascule dans un autre monde. Celui dans lequel les soucis du quotidien que l’on considère comme des montagnes à gravir se transforment en infimes et négligeables poussières. Sheroes, c’est un café associatif tenu par des femmes victimes d’attaques à l’acide. Une pratique barbare, inhumaine, mais qui est loin d’être anecdotique en Inde. Officiellement, elles seraient 300 chaque année à être attaquées de la sorte par des personnes souvent proches d’elles. Mais le chiffre réel serait plutôt aux alentours du millier, bon nombre d’entre elles succombent à leurs blessures ou ne trouvent pas la force de porter plainte contre leur agresseur.
Face à nous, dans ce café associatif, une dizaine de femmes et autant de destin brisés dès leur plus jeune âge. Lupa avait 17 ans lorsque sa belle-mère lui a jeté de l’acide au visage, juste parce qu’elle « ne l’aimait pas ». D’autres n’avaient pas encore atteint la dizaine d’années lorsque leur vie a basculé. Pour toutes, un dénominateur commun : elles ont dû s’en sortir quasiment toutes seules, avec parfois l’aide d’un parent plus ou moins éloigné, l’oncle dans le cas de Lupa. Mais leur reconstruction -physique et mentale- durera des années. Si ce n’est toute une vie.
Originaires le plus souvent des quartiers pauvres, ces femmes ne bénéficient que d’une aide médicale limitée pour reconstruire le visage, et le soutien psychologique est quasi nul. A celà, il faut rajouter la nécessité de trouver un hébergement, car elles doivent fuir pour tenter de se réinventer une vie. Le tout sans revenu, car travailler est quasiment impossible pour elles.
En cinq ans, Sheroes aura aidé une centaine de femmes. Une goutte d’eau par rapport à toutes celles qui ont été attaquées. Mais ce sont ces gouttes symboliques qui permettent de mobiliser, de générer des élans de solidarité. Et de permettre à celles qui ont eu la chance de pouvoir franchir ce seuil d’imaginer un après.
Face à nous, Lupa revit une nouvelle fois son agression, sa peur, ses cinq années passées dans le noir à ne pas oser sortir dans la rue. Principalement par honte de montrer son visage. Mais elle exprime aussi ses désirs, son futur. Elle sourit. Et on sourit avec elle, en essuyant des larmes qui combine sa souffrance et l’admiration qu’on lui voue pour trouver une telle force, une telle envie de (re)vivre. Son rire, c’est peut-être sa plus belle arme, sa plus belle revanche sur une innocence détruite.

Hace más de un año, cuando imaginamos el itinerario de esta gira mundial, nuestro objetivo era, por supuesto, descubrir países maravillosos, pasar momentos increíbles, pero también experimentar encuentros extraordinarios. Y esta tarde, de finales de enero, en Agra, sin duda será uno de los momentos más fuertes de esta gira mundial. Y gracias a Lupa y las otras mujeres de su alrededor.
Empujando la puerta de Sheroes, te mudas a otro mundo. Aquel en el que la preocupación diaria que uno considera montañas para escalar se convierte en polvo diminuto e insignificante. Sheroes es un café asociativo dirigido por mujeres que sufren ataques de ácido. Una práctica bárbara, inhumana, pero que está lejos de ser anecdótica en la India. Oficialmente, son 300 cada año las que sufren ataques de esta manera por personas a menudo cercanas a ellas. Pero la cifra real rompe lo oficial ya que ronda los mil casos anuales. Muchas de ellas sucumben a sus heridas o no encuentran la fuerza para presentar una queja contra su agresor.
Delante de nosotros, en este café asociativo, una docena de mujeres y tantos destinos rotos a una edad temprana. Lupa tenía 17 años cuando su suegra le echó ácido en la cara solo porque « no le gustaba ». Otras no habían alcanzado la edad de diez años cuando sus vidas cambiaron. Para todas, un denominador común: hacer frente al agresor casi a solas, a veces con la ayuda de un pariente más o menos cercano, el tío en el caso de Lupa. Pero su reconstrucción, física y psicológica, durará años, si no es una vida entera.
Habitualmente, la mayoría proceden de barrios pobres, estas mujeres reciben asistencia médica limitada para reconstruir el rostro, y el apoyo psicológico es prácticamete nulo. A esto hay que sumarle la necesidad de encontrar alojamiento, ya que deben huir para intentar reiniciar una nueva vida. Todo ello sin ingresos, porque trabajar es casi imposible para ellas.
En cinco años, Sheroes habrá ayudado a cien mujeres. Una gota de agua en comparación con todas las que fueron atacadas. Pero son estas gotas simbólicas las que permiten movilizar y generar impulsos de solidaridad. Hay que agradecerles el permitir que aquellas que tuvieron la oportunidad de cruzar este umbral imaginen un después.
Frente a nosotros Lupa, que volvió a ver su agresora, con su miedo y sus cinco años pasados en la oscuridad sin atreverse a salir a la calle, vergonzada de mostrar su rostro. Pero ella también expresa sus deseos, su futuro. Ella sonríe. Y sonreímos con ella, limpiando las lágrimas que combinan su sufrimiento y la admiración que siente por encontrar esa fuerza, el deseo de (re) vivir. Su risa es quizás su mejor arma, su mejor venganza por una inocencia destruida.