Il y a encore une dizaine d’années, le bourg d’Elizondo devait être plus que tranquille, avec ses cafés parsemés le long de la rivière qui le traverse, le Baztan. Dans ce coin reculé de la Navarre, aux confins de la France, l’unique chose que les visiteurs devaient voir, en dehors des petits villages à l’architecture authentique et unique, c’est le musée de la sorcellerie. Le coin a en effet connu des périodes troubles au temps de l’Inquisition, lorsque le curé du coin dénonçait aux prélats les faits supposés de quelques habitants, essentiellement des femmes. Celles-ci participeraient en effet à des sabbats, des rituels magiques et sataniques, dans les grottes de la région… Le clergé n’a pas fait dans la demi-mesure : une bonne dizaine de personnes ont été brûlées vives sur la place publique, à titre d’exemple…
Aujourd’hui, les sorcières font partie de l’histoire ancienne. Tout au moins jusqu’à ce que l’écrivaine basque Dolores Redondo s’inspire de ces semi-légendes pour écrire sa trilogie du Baztan, lue par deux millions de personnes en Espagne. Un succès de librairie qui a transformé Elizondo, où se déroule l’essentiel de l’action.
Première conséquence : le commissariat de police, dont le nouveau bâtiment n’existait pas encore lors de la publication du premier livre, a… suivi les plans d’architecte dessinés par la romancière. Et le nouveau siège des forces de l’ordre ressemble peu ou prou aux descriptions de l’auteure. Une plaque a même été apposée sur la façade : « Ici, a enquête la commissaire Salazar », le personnage principal, complètement imaginaire, du roman noir.
Mais la transformation a été encore plus flagrante depuis la sortie des trois adaptations cinématographiques (diffusées à la télé espagnole et disponibles désormais sur Netflix). Les trois films se déroulent entièrement dans la vallée du Baztan… sans pour autant forcément la mettre en valeur. Et pour cause : durant quasiment trois fois deux heures, il pleut de manière ininterrompue sur les collines forcément verdoyantes, donnant une atmosphère lugubre aux lieux ! « En fait, il ne pleut jamais autant », rigole encore le boulanger du village. « Ils rajoutaient des lances à incendie pour densifier les intempéries ! ».
Le boulanger, d’ailleurs, a lui aussi vu sa vie transformée. Le vaste locaux qui lui sert d’atelier et de magasin a tapé dans l’œil des réalisateurs qui ont installé ici la boulangerie du livre, la renommant « Panificadora Salazar » sur une défraîchie qui trône encore sur la devanture du magasin. Chaque jour, des touristes suivent l’itinéraire concocté par l’office du tourisme (à la manière de ce qui se fait pour les lieux de tournage de Games of Thrones) et déboulent devant l’atelier de l’artisan. Qui accepte de bonne grâce à vous faire visiter l’intérieur des lieux. Et les visiteurs d’un jour repartent avec une boîte de txantxigorri, un biscuit sec à base de saindoux, qu’ils achètent quasiment à prix d’or. La recette ancienne a en effet été remise au goût du jour par l’auteure, dans le livre et les films. Un achat vite regretté une fois le pas de la porte passé, lorsque l’on croque dedans et découvre une saveur loin d’être exceptionnelle…
Qu’importe : avec chaque bouchée de ce gâteau roboratif, on pénètre encore un peu plus dans l’univers du livre, et on se prend au jeu, à tenter nous aussi de résoudre l’énigme familiale des sœurs Salazar.
Hace diez años, en el pueblo de Elizondo vivían muy tranquilos, con sus cafés salpicados a lo largo del río que lo cruza, el Baztan. En este remoto rincón de Navarra, en la frontera con Francia, lo único que el visitante debía ver, además de pequeños pueblos con una arquitectura auténtica y única, era el museo de la brujería. Efectivamente, la zona vivió períodos convulsos durante la Inquisición, cuando el cura local denunció a los prelados los supuestos hechos de unos pocos habitantes, principalmente mujeres. Ellas sí que participaron en los sabbats, rituales mágicos y satánicos, en las cuevas de la región… El clero no hizo medias tintas: al menos unas diez personas fueron quemadas vivas en la plaza pública, como ejemplo… Hoy, las brujas son parte de la historia antigua. Al menos hasta que la escritora vasca Dolores Redondo se inspiró en estas semileyendas para escribir su trilogía del Baztan, leída por dos millones de personas en España. Un éxito de librería que transformó a Elizondo, donde se desarrolla la mayor parte de la acción. Primera consecuencia: la comisaría, cuyo nuevo edificio aún no existía cuando se publicó el primer libro,… siguió los planos arquitectónicos trazados por la novelista. Y la nueva sede de la policía se parece más o menos a las descripciones de la autora. Incluso se colocó una placa en la fachada: « Aquí investiga la inspectora Salazar », la protagonista, completamente imaginaria, de la novela negra. Pero la transformación ha sido aún más evidente desde el lanzamiento de las tres adaptaciones cinematográficas (transmitidas por televisión española y ahora disponibles en Netflix). Las tres películas se desarrollan íntegramente en el valle de Baztan … sin destacarlo especialmente. Y por una buena razón: durante casi las tres películas y a lo largo de dos horas, llueve ininterrumpidamente sobre las colinas inevitablemente verdes, ¡dando una atmósfera lúgubre al lugar! “De hecho, nunca llueve tanto”, se ríe todavía el panadero del pueblo. « ¡Agregaron mangueras contra incendios para hacer que el mal tiempo fuera más denso! » El panadero, además, también ha visto su vida transformada. El vasto local que le sirve de taller y tienda llamó la atención de los directores que instalaron aquí la panadería de los libros, rebautizándola como « Panificadora Salazar » en gran cartel que aún se asienta en el escaparate. Todos los días, los turistas siguen el itinerario elaborado por la oficina de turismo (de igual forma que se hace para los lugares de rodaje de Juegos de Tronos) y aparecen frente al taller del artesano. El santo varón, accede de buena gana a mostrarte el interior del local. Y los visitantes de un día se van con una lata de txantxigorri, una galleta seca hecha de manteca de cerdo, que compran a un precio elevado (la fama es lo que tiene, es cara). De hecho, la antigua receta ha sido actualizada por el autor, en el libro y en las películas. Una compra de la que uno rápidamente se arrepiente una vez pasada la puerta, cuando la muerdes y descubres un sabor bien lejos de ser excepcional… No importa: con cada bocado de este tonificante bizcocho, nos adentramos aún más en el universo del libro, y quedamos atrapados en el juego, tratando de resolver el enigma familiar de las hermanas Salazar.